Pourquoi un Observatoire des mines et des bombes à sous-munitions ?
Anne Héry, directrice du plaidoyer de Handicap International, nous explique ce que sont les rapports de l’Observatoire des mines et des bombes à sous-munitions publiés chaque année en septembre et en novembre.
Anne Héry, directrice du plaidoyer à Handicap International. | © G.Lordet / Handicap International
En quoi consiste cet Observatoire des mines et des sous-munitions ?
L’Observatoire des mines et des armes à sous-munitions est un groupement d’ONG cofondé par Handicap International en 1998 et que l’association codirige depuis. Il publie deux rapports annuels, un sur les sous-munitions en septembre, un autre sur les mines antipersonnel en novembre, ainsi que de nombreuses notes d’analyses. Les rapports rendent compte de la bonne application ou non des traités d’interdiction, comme la Convention d’Oslo qui interdit les sous-munitions et le Traité d’Ottawa qui interdit les mines antipersonnel. Pour cela, une équipe éditoriale d’une douzaine de personnes est mobilisée à partir de mars avec l’aide d’une quarantaine de chercheurs dans le monde.
Sur quoi porte exactement le rapport sur les mines publié cette année le 1er décembre[1] ?
Il s’agit d’un bilan annuel de l’application du Traité d’Ottawa : les États parties ont-ils respecté leurs obligations ? Ont-ils mené ou soutenu des opérations de déminage ? Ont-ils mis en place des politiques pour aider les victimes ? S’ils en possédaient, ont-ils détruits leurs stocks de mines ? Quelle est la position des États non parties sur le Traité ? Lesquels continuent d’en produire, d’en vendre ? Le rapport recense également les nouvelles utilisations et victimes de mines chaque année dans les zones de conflit.
Cela veut dire que les signataires du Traité ont des obligations ?
Effectivement, en signant le Traité un État accepte un certain nombre d’obligations, comme ne plus utiliser, produire ou commercialiser les mines, mais également détruire les stocks, venir en aide aux victimes, soutenir le déminage des zones contaminées, etc. Le rapport fait état des politiques et actions mises en place dans chaque pays signataire pour la bonne application du Traité.
A quoi sert un tel rapport ?
C’est un document indispensable pour suivre l’application du Traité. Il est d’ailleurs devenu le document de référence même pour les États ! Il est utile pour dialoguer avec les États, pour les inciter à rejoindre la Convention, à mieux l’appliquer sur tel ou tel point. Le rapport porte également sur la place publique les exactions et problèmes posés par les mines sur la base de faits compilés et vérifiés. Il nous aide à exercer des pressions politiques. Cette année, par exemple, il documente la très forte utilisation des mines artisanales (engins explisifs improvisés) par des groupes non étatiques comme en Syrie, au Yémen et en Irak. Il rend compte également d’une nette diminution du financement de l’action contre les mines et d’un ralentissement des opérations de déminage dans le monde, ce qui sonne comme une alerte pour nous, ONG.
Quelles sont les principaux enseignements du rapport 2016 ?
L’année 2015 a été marquée par une augmentation vertigineuse du nombre de victimes. En cause, des utilisations intenses des mines dans les conflits en cours, comme en Afghanistan, en Libye, en Irak, en Syrie et en Ukraine. L’utilisation de mines artisanales par des groupes armés non étatiques est également un phénomène en nette hausse et représente un défi pour les Etats parties au Traité d’Ottawa et ses défenseurs. Comment inciter des groupes non étatiques à respecter des règles du Traité alors que ses signataires ne sont que des États ? C’est un véritable défi. Mais cela n’est pas impossible car il est arrivé par le passé que des groupes armés non étatiques s’engagent à abandonner l’utilisation de mines…
Que fait Handicap International pour aider à éradiquer les mines ?
Nous menons des programmes de déminage et de sensibilisation aux risques liés à la présence des restes explosifs dans de nombreux pays. Parallèlement, Handicap International est donc membre de la coalition d’ONG contre les mines antipersonnel, celle-là même qui publie le rapport de l’Observatoire. Nous possédons une équipe de lobbyistes politiques qui dialoguent avec les États et les instances internationales, comme les Nations unies, pour faire progresser le droit humanitaire international. Nous menons enfin des campagnes de sensibilisation auprès du grand public pour qu’à son tour, il fasse pression sur les États. Une pétition rassemblant des centaines de milliers de signataires est un argument de poids auprès des gouvernements.