Goto main content

Webinaire

Femmes et filles en situation de handicap : l'aide publique au développement à la croisée des chemins du handicap et du genre

A l'occasion de la semaine du développement international, nous avons organisé ce Webinaire en collaboration avec l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI).

Comme le mentionne la Note d’information corédigée par Dawn Canada, HI Canada et le Live Work Well Research Centre, les femmes et les filles en situation de handicap sont rarement prises en compte ou spécifiquement visées par les investissements liés à l’aide humanitaire et au développement. Elles sont aussi trop peu reconnues par le mouvement des droits des femmes : en témoigne l’absence de référence explicite des femmes et des filles en situation de handicap dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Dans le cadre du webinaire, les panélistes invitées ont exploré les différents aspects liés à ces enjeux. Il a été animé par Michèle Asselin, directrice générale de l'AQOCI.

Le 8 février 2024, nous avons eu donc la chance de pouvoir compter sur la participation de :

  • Dieynaba Diallo, vice-présidente de Femmes Droit et Développement en Afrique (FeDDAF) Sénégal et coordonnatrice de la Coalition régionale du FeDDAF, organisation participant à l’initiative Making it Work mise en œuvre par Humanité & Inclusion

  • Nicole Nyangolo Ndamuso, coordonnatrice régionale de Concertation des Collectifs des Associations Féminines de la Région des Grands-Lacs pour le programme «Éducation des filles pour un avenir meilleur dans la région des Grands Lacs» mis en œuvre avec le consortium Fondation Paul Gérin-Lajoie et CECI

  • Nancy Saint-Louis, chercheuse pour le projet «Genre, handicap et développement inclusif» du Live Work Well Research Centre et candidate au doctorat

  • Anne Delorme, directrice générale de Humanité & Inclusion Canada

 

 Regardez l'enregistrement du Webinaire ! 

 

 Questions restantes du Q&A 

Quelles sont les avancées de chaque pays dans la prise en charge du handicap? Quelles sont les limites de ces mesures prises pour une meilleure inclusion?
  • Nancy Saint-Louis pour Haïti : En termes d’avancées, les personnes en situation de handicap n’ont jamais cessé de se battre pour leur plein droit. On peut mentionner l'appui du Disability Rights Fund qui a permis au sous-mouvement (des femmes en situation de handicap) d’influencer l’examen du dossier d’Haïti par le Comité CRDPH de l’ONU et par le Comité pour la convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Son plaidoyer a également conduit à une certaine reconnaissance des femmes en situation de handicap et de leurs revendications par l’État, y compris la nomination en 2020 d’une dirigeante de ce sous-mouvement, Soinette Désir, à titre de première femme Secrétaire d’État à l’Intégration des personnes handicapées. Pour ce qui est des défis, ils sont énormes et ce n’est pas le cadre institutionnel qui en manque, mais plutôt les moyens politiques et des budgets plus adéquats.

  • Nicole Nyangolo, pour le Burundi, la RDC et le Rwanda : Ces pays font partie à la Convention relative aux droits des personnes handicapées et s’efforcent à mettre en place des mesures visant à bannir toute discrimination et exclusion des personnes en situation de handicap. Cependant, force est de constater, les enfants handicapés font face à des obstacles importants pour accéder à l'éducation. Les barrières physiques, sociales et économiques peuvent rendre difficile, voire impossible pour ces enfants d'aller à l'école. Les familles peuvent également être confrontées à des stigmates culturels ou sociaux qui les empêchent de chercher de l'aide pour leurs enfants handicapés. Concernant l’éducation inclusive, il revient donc à nos gouvernements de prendre plusieurs actions, comme mettre en place des politiques et des réglementations pour garantir que tous les enfants handicapés aient accès à une éducation de qualité.

  • Dieynaba Diallo pour le Sénégal: Pour les avancées, la convention des Droits des Personnes Handicapées est ratifiée et on a une Loi d’orientation sociale votée en 2010. On a aussi un programme de l’Etat appelé RBC (Réadaptation à Base Communautaire) et des écoles pilotes d’inclusion initiés par les organisations de personnes handicapées et leurs partenaires. Pour les défis : la non-effectivité de la loi d’orientation sociale faute de décret d’application et la lourdeur des procédures pour l’accès aux services sociaux de base.
     

Que font les organisations de personnes handicapées (OPH) pour décloisonner leurs activités et pour une participation plus active et plus diversifiée et un leadership plus affirmé?
  • Nancy Saint Louis : Dans le contexte haïtien, certaines organisations comme Union des Femmes à Mobilité Réduite d’Haïti (UFMORH) organisent par exemple des ateliers, des webinaires sur les retombées de l’insécurité sur les femmes en situation de handicap et la problématique concernant le manque de synergie entre le mouvement féministe, de personnes et de femmes handicapées. Elles réclament aussi un accompagnement soutenu pour les femmes universitaires pour réaliser leur mémoire et le renforcement assidu de capacités pour les organisations de femmes en situation de handicap afin qu’elles soient compétitives.

  • Dieynaba Diallo : elles font les actions suivantes : de la formation et du renforcement de leurs membres pour porter le plaidoyer de la base au sommet; elles développent des partenariats ; elles conçoivent des projets pour apporter de réponses à leurs préoccupations ; elles incitent les membres à un engagement citoyen et politique.

  • Anne Delorme : L’initiative Making it Work de Humanité & Inclusion (HI) soutient les organisations et réseaux locaux de femmes handicapées qui travaillent à promouvoir les droits des femmes et à faire progresser l’autonomisation des femmes et l’égalité de genre dans plusieurs pays d’Afrique. Comme les organisations locales de femmes handicapées manquent cruellement de ressources, l’initiative renforce la capacité institutionnelle et la durabilité des organisations locales, et contribue à accroître l’efficacité de la programmation et du plaidoyer de première ligne, en particulier en ce qui concerne la violence liée au genre et l’avancement des droits des femmes handicapées. En tant qu’initiative régionale, HI organise également des espaces d’échange et de travail collaboratif pour permettre aux femmes handicapées dirigeantes de mener un plaidoyer commun efficace aux niveaux national et international et d’accéder aux forums internationaux.
     

Quelles sont vos expériences pour améliorer l’accès aux services de santé pour les femmes et filles en situation de handicap?
  • Dieynaba Diallo : Avec l’aide de partenaires dans ma localité, j’ai eu à former les jeunes filles et femmes handicapées sur leurs droits à la santé reproductive en élargissant cette formation au personnel sanitaire. Instaurait le dialogue entre les deux pour apporter des solutions, mais aussi de partager les difficultés des uns des autres pour assurer une meilleure prise en charge des femmes et filles handicapées en milieu hospitalier. Faire le plaidoyer au niveau des collectivités territoriales qui sont en charge de cette compétence, mais aussi à un niveau de l’administration hospitalière pour l’obtention d’une cabine qui prend en compte les besoins sanitaires des femmes et filles handicapées au niveau de la maternité et on l’a réussi.

  • Anne Delorme : Le projet ENSEMBLE « Éducation Nécessaire à la Santé sexuelle et reproductive Équitable pour devenir Maitre de son Bien-être et Libre de sEs choix » de HI Canada cible les femmes et adolescentes handicapées qui sont très souvent marginalisées au sein de leur communauté, et « oubliées » par les projets/programmes en matière de SDSR. Le projet ENSEMBLE a pu répondre à leurs besoins : en les prenant en compte dans les outils de sensibilisation qui ont été mis à jour en intégrant la dimension handicap ; en veillant à assurer leur représentativité parmi les acteurs et actrices  du projet – pair(e)s éducateurs et éducatrices et ASC ; en sensibilisant et en formant les professionnel.le.s de santé, ASC et PE sur les notions de handicap et d’inclusion, en finançant également les organisations de personnes handicapées pour la mise en œuvre des séances de sensibilisation ; en mobilisant ces organisations dans les instances comme le comité de pilotage de même que dans les plateformes de SDSR.
     

Qu’en est-il de l’inclusion des femmes et filles vivant avec la lèpre?
  • Dieynaba Diallo : Pour les femmes et filles vivant avec la lèpre, la discrimination et l’exclusion est un peu plus accentuée mais le combat que nous menons prend en compte ces paramètres et spécificités.

  • Nancy Saint Louis : À ma connaissance, durant ces dernières décennies je n’ai pas entendu parler de la maladie de la lèpre en Haïti, mais d’autres comme le choléra. Dans un système sanitaire fragilisé depuis le tremblement de terre de 2010, les femmes en situation de handicap ont un accès encore plus difficile à celui-ci.
     

Que pensez-vous de l’inclusion des femmes sourdes-muettes dans les pouvoirs de décision puisque la formation de langage des signes n’est pas bien développée au Sénégal?
  • Dieynaba Diallo : Au Sénégal les femmes sourdes-muettes sont les plus vulnérables face à l’inclusion pour ne citer que l’éducation et la santé, la communication est l’un des défis majeurs face à l’accès aux services sociaux de base ; en plus de l’analphabétisme, le langage des signes ou l’interprétation est denrée rare au Sénégal. Avant de parler de l’accès aux instances décisionnelles, il faut prendre en compte le langage de signes dans les curriculums et la formation des formateurs y compris la formation du personnel sanitaire et intégrer le langage des signes dans toutes les sphères.
     

Comment vaincre les obstacles sur le maintien des jeunes filles handicapées à l'école au Sénégal?
  • Dieynaba Diallo : De plusieurs façons, notamment : en faisant la promotion de l’approche droit et en inculquant l’inclusion dans le système scolaire; en rendant accessibles les écoles et lieux de formation; en faisant de la sensibilisation en milieu scolaire, dans les communautés et familles; en prenant en compte les différents types de handicap et de la spécificité de toute une chacune.
     

Nicole a donné des témoignages de la RDC et du Rwanda. Qu’en est-il du Burundi? Quel est le niveau de collaboration avec les organisations de femmes handicapées du Burundi?
  • Nicole Nyangolo : Dans le cadre d’EDUFAM, nous avons été formés par HI RDC (Pas de bureau HI au Burundi), c’est-à-dire que l’équipe du Burundi devait voyager sur Bukavu et faire la formation avec celle de RDC. Le renforcement de l’équipe notamment a réellement permis l’inclusion et l'implication accrue des femmes handicapées au sein de nos collectifs, comme ça été le cas pour l’Association des Femmes Handicapées - les vaillantes (AFP-les Vaillantes en sigle) membre du CAFOB au Burundi.
     

Pourquoi ne pas consolider les acquis du projet ENSEMBLE par le financement d’une seconde phase? (2 fois)
  • Anne Delorme : Nous souhaitons ardemment une deuxième phase et espérons travailler avec Affaires mondiales Canada (AMC) pour la réaliser.

  • Patricia Atkinson : AMC surveille avec diligence les résultats de nos projets d’assistance internationale et reconnaît les impacts positifs des initiatives de nos partenaires de mise en œuvre à l’étranger, y compris ENSEMBLE. Bien que les opportunités de financement soient actuellement limitées, l'importance de nos partenariats demeure alors que nous continuons à présenter les résultats des projets en interne et en externe pour accroître la visibilité de nos partenaires.
     

Comment AMC peut-il appuyer les actions de plaidoyer pour l’application effective des droits des femmes et filles handicapées?
  • Patricia Atkinson : veille à travailler directement avec les femmes et les filles en situation de handicap pour garantir que leurs points de vue sont inclus dans nos interventions. Nous y parvenons grâce à des partenariats clés avec des organisations canadiennes, comme le Disabled Women’s Network (DAWN), mais également en veillant à nouer des partenariats avec des organisations locales de défense des droits des femmes dans les pays en développement. Garantir des flux de financement dédiés aux initiatives de renforcement des capacités et de plaidoyer est également une étape importante. Nous travaillons pour garantir que nos mécanismes de financement soient plus accessibles aux groupes structurellement exclus comme les femmes et les filles handicapées.
     

Des questions demandant quand aura lieu la deuxième phase de Voix et leadership des femmes.
  • Patricia Atkinson : Le Canada a annoncé le renouvellement et l’élargissement du programme Voix et leadership des femmes. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le lien suivant : https://www.canada.ca/fr/affaires-mondiales/nouvelles/2023/04/le-canada-annonce-le-renouvellement-et-lelargissement-du-programme-voix-et-leadership-des-femmes.html . L’ensemble complet de soutien fourni via la voix et le leadership des femmes aux organisations de défense des droits des femmes, y compris celles axées sur les droits des femmes et des filles en situation de handicap dans toute leur diversité, comprend un financement de base pluriannuel, un renforcement des capacités institutionnelles et un soutien au renforcement des alliances. Ces mécanismes sont essentiels pour améliorer la capacité des organisations ciblées à être efficaces dans leur travail de plaidoyer.