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« Désormais, tout peut être miné, même un oreiller ! »

Mines et autres armes Prévention
Ukraine

Svitlana a participé à une session de sensibilisation aux risques liés aux engins explosifs et aux bombardements organisée par HI. Elle témoigne.

Caption: Svitlana a fui avec toute sa famille la ville de Slavyantsk, dans l’Est de l’Ukraine, le 8 avril 2022

Caption: Svitlana a fui avec toute sa famille la ville de Slavyantsk, dans l’Est de l’Ukraine, le 8 avril 2022 | © O.Marikutsa / HI

L'équipe de HI a rejoint un village rural, situé à une quarantaine de kilomètres de Poltava, dans l'Est de l'Ukraine, où une centaine de personnes déplacées ont été accueillies. La formation d'éducation aux risques se déroule sous le petit préau d'un ancien centre aéré reconverti en foyer d’accueil. Emmitouflés dans leurs manteaux et leurs pulls, une vingtaine d'Ukrainiens qui ont fui les violences sont présents.

Assise sur l’un des bancs, à côté de sa mère en fauteuil roulant, Svitlana, 61 ans, écoute attentivement Anita, agent de sensibilisation aux risques liés aux munitions explosives chez HI :

« Cela va prendre au moins 100 ans pour déminer l’Ukraine ! ».

Un choc pour cette mère de famille, qui n’aurait jamais imaginé un jour être victime de la guerre.

« Bien sûr on savait qu’il y avait des conflits partout dans le monde, mais jamais je n’aurais pensé que nous serions touchés, ici, en Ukraine », se désole-t-elle.

Le bruit et la violence des bombardements, Svitlana les connaît depuis près de 10 ans maintenant. Cette ancienne designeuse reconvertie en opératrice dans une centrale thermique est originaire de la ville de Slavyansk, dans la région de Donesk, à l’est de l’Ukraine. Elle et son mari, Anatoly, ouvrier retraité, on deux enfants et trois petits-enfants. Dans la famille, il y a aussi Anna, la maman de Svitlana, qui a toujours vécu près d’eux. Une famille soudée, attachée à leur vie, à leur ville.  

En 2014, les combats font rage dans l’Est de l’Ukraine. Slavyansk est prise sous les feux des missiles et des tirs. La majorité des habitants quittent rapidement la ville. Svitlana convainc ses enfants de fuir vers le sud. Elle décide de rester avec sa mère et son mari.

« Nous avons vécu au sous-sol de notre maison avec d’autres habitants pour se protéger des bombardements. Mais un jour un obus est tombé sur notre maison et elle a commencé à prendre feu. Cinq personnes sont mortes ce jour-là, et d’autres ont été blessées. Leurs corps gisaient dans l’entrée. Heureusement les pompiers sont rapidement venus éteindre le feu. Nous avons été évacués et avons pu rejoindre un autre sous-sol, celui d’un jardin d’enfants. Pendant cinq jours, des pluies d’obus. A ce moment-là, j'ai dit adieu à la vie, j'ai cru que c'était la fin ».

Les autorités ukrainiennes reprennent finalement le contrôle de la ville, Svitlana retrouve sa maison et commence à la reconstruire. Mais les dangers sont partout.

« Il y avait des restes d’engins explosifs partout, dans la forêt, dans la rivière, même notre petit jardin était miné ! Pendant longtemps nous n’y avons pas eu accès car des soldats étaient postés là. Lorsqu’ils sont partis, mon mari a voulu aller voir ce que notre jardin était devenu, il n’y avait personne. Avec les rayons du soleil, il a vu que quelque chose brillait… c’était un fil de fer, un filin de mine ! Alors il a appelé les démineurs et ceux-ci ont pu la désamorcer. Depuis nous n’avons plus jamais fait de balades, ni de sorties en forêt ou proche de la rivière ».  

 

Jusqu’au dernier moment Svitlana a voulu rester chez elle. Mais le 8 avril 2022, elle n’a pas eu d’autre choix que de fuir vers l’ouest du pays pour protéger les siens. À l’époque, sa fille et sa mère refusent. Alors, à contre-cœur, Svitlana prend ses petits-enfants, son fils et son mari, et monte dans un train vers Dnipro.

« Nous sommes partis exactement le jour où la gare a été la cible de roquettes et où de nombreuses personnes sont mortes. Ce même jour, des proches ont été victimes d’une explosion à Slavyansk, leur fils a été blessé, amputé, et leur fille est morte. Nous apprenions ces terribles nouvelles alors que nous fuyions… C’était terrible ! »

Svitlana et sa famille restent d’abord chez des amis à Dnipro, puis dans un centre d’accueil pour réfugiés. Mais de nouvelles personnes arrivent sans cesse de l’Est, le foyer est bondé et les conditions de vie difficiles.

« Ma fille et ma mère ont fini par nous rejoindre car la situation était devenue intenable. C’est ensuite qu’on nous a proposé d’aller, comme d’autres déplacés, dans ce petit village, dans la région de Poltava ».

Pour Svitlana, la formation de HI est très enrichissante :

« J’ai appris que des mines ou des grenades ont pu être cachées même jusque dans des oreillers », explique- t-elle presque surprise.

Mais elle lui rappelle aussi une réalité plus dure :  

« C’est terrible d’imaginer que le danger nous attend, jusque dans nos maisons, quand on pourra retourner chez nous ! Je sais que notre maison n'est pas endommagée pour l'instant. Mais les combats se poursuivent dans la région où l’on habitait, elle est donc constamment menacée d’être détruite. Quatre missiles sont tombés près de la maison de ma mère. Tous les bâtiments alentour ont été détruits : un centre de services administratifs, une piscine, un marché. Les fenêtres ont été soufflées par les explosions, mais les murs tiennent ! La maison de ma mère est toujours debout ».

Anna, la mère de Svitlana, a fêté ses 88 ans ce mois-ci. Dans son fauteuil roulant, le visage marqué, celle qui a connu la Seconde Guerre Mondiale se demande également si elle pourra retourner chez elle un jour.

« J’ai des enfants, des petits-enfants, c’est pour eux que nous devons vivre ! Je ne sais pas de quoi l’avenir est fait, nous ne savons rien. C’est l’espoir qui nous maintient en vie ! », conclut Svitlana.

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