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Au Cambodge, HI agit dans la durée

Réadaptation
Cambodge

De retour d’une visite de terrain au Cambodge en début mars, Pierre Léonard, président du conseil d’administration de Humanité & Inclusion Canada nous partage son expérience.

 

Kanha (bénéficiaire au milieu) entourée de l’équipe de HI, région de l’Asie du Sud-Est, dans les bureaux à Phnom Penh | © HI

Kanha (bénéficiaire au milieu) entourée de l’équipe de HI, région de l’Asie du Sud-Est, dans les bureaux à Phnom Penh | © HI

Pourquoi une visite au Cambodge?

Le Cambodge tient une place unique dans l’histoire de HI. C’est en 1982 aux limites de ce pays éprouvé par le régime des Khmers rouges de Pol Pot et de nombreuses années de guerres régionales qu’est née notre organisation. Ses fondateurs, sous le leadership du Dr Jean-Baptiste Richardier, soutenaient alors les réfugiés cambodgiens le long de la frontière thaïlandaise. Parmi ces réfugiés, il y avait 6 000 amputés, principalement des victimes de mines antipersonnel. Malgré un effort international pour venir au secours des réfugiés, aucune organisation ne répondait aux besoins spécifiques de ces personnes en situation de handicap. Ce fut le début de notre aventure qui a vu nos équipes prendre position au pays officiellement en 1986. Depuis, HI s’est déployé dans toute la région du Sud-Est asiatique pour porter assistance aux plus démunis victimes de conflits armés, d’enjeux de santé publique et de catastrophes naturelles. Il faut le dire, HI n’agit pas seulement en situation de conflits armés, mais partout où les populations nécessitent de l’aide humanitaire.

Groupe de réfugiés au camp de Khao-I-Dang pour la plupart amputés | © HI

Aller au Cambodge représentait donc un retour aux sources de l’organisation. Cette visite coïncidait aussi avec une rencontre de travail et de planification de nos directeurs-pays œuvrant dans la région (Myanmar, Thaïlande, Laos, Cambodge, Vietnam et Philippines). Ce fut donc l’occasion de, non seulement, prendre la mesure de nos activités au Cambodge, mais aussi de partager les enjeux très divers auxquels nous sommes confrontés dans chacun des pays où nous intervenons dans cette grande région. 

Qui vous accompagnait lors de cette visite ?

J'étais accompagné par trois présidents d’associations nationales (Nancy Kelly des États-Unis, Xavier Ducrest de la France, Pierre Delandmeter du Luxembourg); le président de la Fédération HI, Jean-Noël Dargnies; et notre directrice générale adjointe responsable des opérations, Florence Daunis. Ce fut donc une occasion propice pour tous de rencontrer et discuter, non seulement, avec nos directeurs régionaux, mais aussi une opportunité de renforcer notre synergie d’équipe et renforcer nos liens entre administrateurs.

Pourquoi est-il important d’aller sur le terrain pour un administrateur ?

De gauche à droite : Pierre Léonard (président, HI Canada), Xavier Ducrest (président, HI France), Nancy Kelly (présidente, HI États-Unis), Jean-Noël Dargnies (président, Fédération HI), Pierre Delandmeter (président, HI Luxembourg) | © HI

Je pense qu’il s’agit d’une de nos responsabilités premières à titre d’administrateur d’ONG de voir, de comprendre et de se questionner même sur l’usage que font nos équipes des fonds que nous amassons dans nos associations nationales. Dans un contexte où les administrateurs nationaux sont loin des foyers d’action et s’investissent à temps partiel et bénévolement, cette prise de contact avec la réalité est absolument essentielle. Nous avons le devoir de témoigner auprès de nos donateurs et de nos membres de ce que nos équipes réalisent concrètement au service de nos bénéficiaires.  

Qu’est-ce que HI fait concrètement au Cambodge et dans la région de l’Asie du Sud-Est ?

Sorti de conflit depuis de nombreuses années, notre rôle au Cambodge est de soutenir les efforts visant à favoriser l’inclusion des nombreuses victimes des événements passés et de réduire les risques de handicap pour une partie importante de la population vivant dans des conditions encore très fragiles. Nos domaines d’intervention touchent la réadaptation, l’insertion, la prévention et, encore malheureusement après toutes ces années, la décontamination de terrains minés.

Srey Nuch a bénéficié de nos services de réadaptation à la suite d’un accident qui lui a coûté l’usage de ses jambes et de services d’inclusion socio-économique de HI. Elle arrive à présent à se déplacer à l’aide d’orthèses et a lancé une petite entreprise de couture. | © Stephen Rae/HI

Le Cambodge estime pouvoir être exempt de mines terrestres d’ici 2025. Cela constitue plusieurs décennies de travail acharné pour venir à bout de ce fléau. Voilà une réalité difficile à jauger de notre perspective canadienne.

En ce qui concerne la grande région du Sud-Est, nos rencontres avec nos directeurs nous ont permis de saisir toute la complexité et la diversité des enjeux. Alors que l’organisation accompagne certains pays dans leurs efforts de santé publique, de réadaptation et d’insertion, d’autres font face à des situations extrêmement précaires.    

À titre d’exemple, depuis le renversement politique de février 2021, le Myanmar (ex-Birmanie) est aux prises avec une crise humanitaire majeure. La violence armée, combinée à une crise politique, économique et sanitaire sans précédent a littéralement fait basculer le pays et provoqué par effet d’entraînement d’importantes vagues de réfugiés vers la Thaïlande voisine. Pendant ce temps, les Philippines victimes de cyclones, de typhons à répétition, éruptions volcaniques, inondations et tremblements de terre figurent au tout premier rang des pays à risque de catastrophes naturelles.

Bien que nous soyons présents dans la région depuis nos tout débuts, il faut se rendre à l’évidence que les besoins y sont encore nombreux.

Pouvez-vous nous donner les grandes lignes de votre itinéraire? Quels endroits avez-vous visités ?

Carte géographique du Cambodge

La visite s’est échelonnée sur cinq jours bien serrés. Arrivée la veille en après-midi, le temps de prendre nos marques, nous avons rencontré en jour un, le directeur régional de HI, les directeurs pays et l’équipe locale dans les bureaux de HI au cœur de Phnom Penh. Ce fut l’occasion de nous donner un briefing et de participer à un échange sur les enjeux avec lesquels nos équipes doivent composer au quotidien : opérations, accessibilité, logistique, sécurité, financement, partenariats locaux et étrangers, planification. Chaque pays a sa dynamique propre, chaque équipe coopère entre elles.

Jour deux, nous avons visité l’émouvant musée Tuol Sleng sur le génocide. Un pèlerinage incontournable pour comprendre le traumatisme vécu par la population cambodgienne. Nous avons eu le privilège de rencontrer un des rares survivants de cette prison de la mort. Il faut se rappeler qu’environ 1,7 million de personnes (soit 20 % de la population de l’époque) ont été brutalement éliminées durant ces années de terreur. Nous nous sommes rendus ensuite à l’usine de fabrication de composantes de prothèses MoSVY qui alimente les centres de réadaptation du pays et pour laquelle nous avons fourni soutien et conseils techniques depuis sa création.

Photo d’une mère et son enfant victimes de la prison Tuol Sleng, à Phnom Penh. | © HI

Le lendemain, nous nous sommes transportés dans la province de Kampong Cham pour visiter le centre de réadaptation local mis en place par HI et ses partenaires. Une occasion unique de discuter avec l’équipe en place et rencontrer des usagers du centre. HI forme le personnel et veille à améliorer la gestion du centre en partenariat avec les autorités locales.

Jour quatre, transport vers la province de Siem Reap où HI soutient les spécialistes du déminage de l’association Cambodia Self-Help Demining (CSHD), une organisation cambodgienne qui participe aux efforts de déminage.

Entrée du sentier sécurisé par le Cambodia Self-Help Demining (CSHD) sur le site de décontamination dans la région de Siem Reap. | © HI

Y a-t-il des moments forts que vous aimeriez partager ?

Il y a trois moments que je retiens et qui m’ont marqué plus que les autres. Le premier fut la visite surprise de Kanha. Une jeune cambodgienne victime d’un reste explosif de guerre en 2005 et qui a perdu sa jambe. Elle avait 13 ans à l’époque. Appareillée au centre de Kompong Cham, elle y retourne 3 fois par an pour un suivi. À 21 ans, Kanha est aujourd’hui une jeune femme épanouie qui travaille et participe à la vie active de sa communauté. Elle incarne la raison même de notre engagement. 

Appareillage d’un bénéficiaire au centre de réadaptation de Kampong Cham | © HILe second fut la rencontre avec l’équipe du centre de réadaptation de Kampong Cham où j’ai pu être témoin du transfert générationnel et professionnel au sein du centre. C’était rassurant de voir que tous les efforts et les fonds investis s’inscrivaient dans la pérennité. Une nouvelle génération de professionnels et de gestionnaires locaux succédant à leurs aînés pour poursuivre la mission du centre. HI agit dans la durée.

 

Enfin, un moment qui s’est déroulé sous un soleil de plomb à plus de 37 degrés.

Des démineurs de l’association Cambodian Self Help Demining. Ils ont été formés par HI pour décontaminer des terres minées. | © HI

La marche à la rencontre des démineurs sur un sentier sécurisé par l’association Cambodia Self-Help Demining (CSHD). Une prise de conscience du travail harassant de ces démineurs pour donner aux citoyens cambodgiens, aux enfants se rendant à l’école et aux agriculteurs un territoire sécuritaire après des décennies de danger permanent.

 

Que retenez-vous de cette visite ?

Que notre travail est loin d’être terminé dans la région malgré des progrès indéniables.Que les situations politiques sont changeantes et fragiles et qu’il ne faut jamais tenir les choses pour acquises. Que de grands défis reliés aux changements climatiques guettent la région. Que les citoyens canadiens devraient mieux connaître notre mission et le rôle unique que nous jouons sur l’échiquier international. HI est une organisation à découvrir et à appuyer. Donner de son temps ou de son argent peut faire une différence bien concrète.

J’ai découvert HI il y a plusieurs années par l’entremise d’un proche vivant en situation de handicap. Cette personne s’est investie toute sa vie au service de l’inclusion et de l’accessibilité ici, chez nous. Lorsqu’elle m’a fait découvrir HI, j’ai compris que cette solidarité n’avait pas de frontière.

Un dernier mot ?

Je tiens à remercier sincèrement toutes les personnes qui nous ont accueillies durant ce voyage. Ce sont les acteurs de notre mission. Je salue leur courage, leur détermination, leur débrouillardise, leur professionnalisme. Un merci particulier à Gilles Nouzies, notre directeur régional et à toute sa valeureuse équipe de nous avoir consacré un temps précieux.

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