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Dédier sa vie au déminage : le parcours d’Aki Ra, ancien enfant soldat

Mines et autres armes
Cambodge

13 ans après le procès du « Doutch », ce tortionnaire Khmer Rouge condamné pour crime contre l’humanité, un ancien enfant soldat du régime devenu démineur témoigne.

Portrait de Aki Ra

Aki Ra photographié dans le Musée des Mines qu’il a fondé avant de commencer ses opérations de déminage. | © Till Mayer / HI

Aki Ra a caché ses premières mines alors qu’il n’avait que 5 ou 6 ans ; il a survécu à 20 ans de guerre. Désormais, il dédie sa vie au déminage. Le fondateur du CHSD, organisation nationale de déminage soutenue par HI, explique avoir permis de décontaminer plus de 9,5 millions de mètres carré de terre au Cambodge.

Aki Ra dit avoir 50 ans mais ne connait pas son véritable âge, sa carte d’identité mentionne qu’il est né le 1er janvier 1975. La même année la guerre du Vietnam prend fin, mais dans les pays voisins, comme au Cambodge, les violences ne s’arrêtent pas pour autant. Bien au contraire, le pays voit s’ouvrir l’une des pages les plus sombres de son histoire.

Enrôlé dans l’armée par les Khmers rouges

Le 17 avril 1975, PolPot, le chef des Khmers rouges (le parti communiste cambodgien) prend le pouvoir et impose son régime totalitaire à Phnom Penh. Pendant les quatre années d’une dictature éclair, les soldats aux bandanas rouges et uniformes noirs vont emprisonner, torturer, massacrer près de deux millions d’innocents. Ils ont deux armes de choix : les mines antipersonnel et les enfants. C’est même l’une des fiertés du régime : enrôler les enfants dans l’armée, après les avoir arrachés aux bras de leurs parents avant que ceux-ci ne soient exécutés. 
Aki Ra est l’un de ces survivants.

« J’étais l’un des plus jeunes soldats. Il y avait des filles et des garçons. Certains enfants soldats aimaient jouer avec les pistolets, moi j’aimais les mines »

Les mines, de « puissants jouets », raconte-t-il, avec autant de froideur que de naïveté. Comme les autres enfants soldats, Aki Ra est d’abord chargé de cuisiner, de chasser dans la jungle oud’apporter la nourriture aux soldats sur les lignes de front. 
Puis on lui ordonne de tuer. Fait prisonnier par les troupes vietnamiennes venues éradiquer le régime de PolPot, Aki Ra se retrouve plusieurs mois de l’autre côté du champ de bataille. Il vit la guerre dans tout ce qu’elle a de plus dur :la traque, la fatigue, la mort et le sang.  Il continuera ainsi de poser des centaines de mines, jusqu’à ce que les Khmers Rouges soient totalement démantelés.

Portrait de Aki Ra« J’ai vu tellement de gens pleurer la perte de leurs proches, perdre tout ce qu’il avait de plus cher. Un jour, mon chef nous a demandé de poser des engins explosifs dans le sol. C’était sur un terrain de 100 mètres environ. J’ai dit à mes camarades qu’on devait tous s’éloigner les uns des autres avant de commencer à marquer le territoire. Pendant que les autres posaient leurs mines, moi, j’ai creusé un puit dans lequel j’ai mis au moins 50 explosifs, et je les ai enterrés là. Je me suis assuré que tout était sécurisé. Ce jour-là, je me suis dit « plus jamais de ma vie », j’ai décidé que désormais, et pour le restant de mes jours, j’allais les éliminer ».

Après avoir servi dans les rangs de l’armée nationale du Cambodge, née des cendres de la dictature, Aki Ra rejoint le programme des Nations Unies pour déminer le Cambodge. L’ancien enfant soldat, désormais démineur, a survécu à 20 ans de guerre. Son pays est désormais l’un des territoires les plus contaminés au monde par les mines.

Dédier sa vie au déminage

Il décide de créer un musée : le Musée des Mines. Un dédale de cadavres d’engins explosifs et d’archives à quelques pas de la petite maison où il vit aujourd’hui avec ses trois enfants.

« Je voulais raconter aux jeunes l’histoire de leur pays et les guerres qui l’ont traversées, expliquer aux touristes le danger que représentent les mines et puis… je voulais avoir le soutien du monde entier pour nous aider à déminer ».

Le soutien de HI au Cambodge

Aki Ra devant des minesIl fonde ensuite son organisation humanitaire, le CHSD. C’est dans ce cadre que son chemin croise celui de HI dans la région de Siem Reap, au Nord du Cambodge. HI apporte un soutien opérationnel et administratif à l’organisation dans le but que le CHSD devienne une ONG nationale autonome dans la lutte contre les mines. Leonard Kaminski, est le spécialiste de l’action contre les mines chez HI au Cambodge :

« Au départ Aki Ra et ses équipes déminaient manuellement les terres contaminées à l’aide de simples détecteurs de métaux. Nous les avons formé à des technologies de pointe, plus modernes et plus efficaces »

Plus de 9,5 millions de kilomètres carrés de terre ont été décontaminés depuis la création du CHSD en 2008.

« Le plus grand défi auquel nous faisons face est de localiser efficacement les mines terrestres. Ces engins explosifs ont été à la fois utilisés par les soldats, comme Aki Ra, comme armes personnelles mais aussi à de plus grandes échelles stratégiques par l’armée. Les champs de mines « stratégiques » sont assez faciles à trouver, en revanche, la tâche est beaucoup plus difficile lorsqu’il s’agit de mines déployées de manière anarchique par les soldats eux-mêmes ».

Des villages qui reprennent vie

Le Cambodge affiche toujours sa volonté de devenir un territoire « zéro mine » d’ici à 2025. C’est la troisième fois que les autorités repoussent l’échéance. Les enjeux restent immenses. Chaque jour, sur le terrain, les équipes de HI mesurent les impacts positifs des opérations de déminage. Dès qu’une passerelle de terre est déminée, c’est tout un village qui reprend vie.

« Dans le village de Toul Kros (Province de Siem Reap) par exemple, à chaque fois que nous déminons un bloc d’un demi-hectare, les villageois se réapproprient les terres et recommencent à cultiver. C’est pour cela d’ailleurs que nous commençons toujours par déminer les zones de cultures. Voir un champ de mine redevenir une rizière ou à certains endroits un verger de noix de cajou, alors que nous travaillons encore à proximité du village, c’est plus qu’un encouragement ! » 

C’est également aux agriculteurs de ce territoire rural récemment décontaminé qu’Aki Ra souhaite s’adresser :

« S’il vous plaît, n’ayez pas peur de cultiver vos terres, nous œuvrons chaque jour pour éliminer les mines qui s’y trouvent, vous n’avez plus à vous inquiéter » !

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