Comment mener des opérations humanitaires au Yémen
Maud Bellon, directrice de HI au Yémen nous décrit la situation à Sana’a, où l’association est basée et mène ses opérations humanitaires.
Yémen, conflit. Un enfant yéménite marchant dans les décombres d'un bâtiment qui a été détruit lors d'une frappe aérienne dans la ville de Taez, dans le sud du Yémen. Mars 2018. | © Ahmad AL-BASHA / AFP
Jeudi 15 novembre
Aujourd’hui, le physiothérapeute Aiman et la travailleuse psycho-sociale Sana sont allés au centre de réadaptation de la ville. Ils ont rencontré une quinzaine de patients qui sont appareillés ou qui vont l’être par le centre pour un check-up et des exercices.
Ils ont surtout passé du temps avec Afraq, une nouvelle patiente : Afraq a 12 ans. Elle habite à la campagne. Il y a 3 mois, elle a marché sur une mine alors qu’elle ramassait du bois pour cuisiner le dîner. Elle a dû être amputée d’urgence.
Maintenant, elle peut recevoir une prothèse. Son moignon est sain, il est suffisamment musclé. Il est bien cicatrisé et ne suinte pas. Aujourd’hui, nous avons pris des mesures et fait un moulage pour que le centre fabrique sa première prothèse. Nous couvrons les frais. Je dis « première » prothèse car en grandissant, il faudra qu’elle en change régulièrement…
En attendant, la semaine dernière, on a remplacé les béquilles axillaires (qu’on met sous les aisselles) que l’hôpital lui avait fournies par des cannes anglaises (avec des coudes et des poignées) qui permettent d’avoir une meilleure mobilité. Elle a ainsi une posture moins figée et une meilleure maniabilité. Elle peut se déplacer plus facilement et plus rapidement.
Sana lui apporte une aide psychologique essentielle. Une amputation, ça provoque un choc ! Afraq a perdu confiance en elle. Il faut la rassurer sur le fait qu’avec une prothèse elle pourra continuer à avoir une vie normale et à jouer avec ses amies comme toute petite fille de son âge… Elle ne doit pas avoir peur de courir, par exemple.
Une fois que sa prothèse sera fabriquée, nous commencerons les exercices pour lui apprendre comment l’utiliser, la chausser, se déplacer. Cela se fera en une dizaine de séances de 30 minutes étalées sur plusieurs jours.
Lundi 12 novembre
La situation sécuritaire est assez calme en ce moment à Sana’a. Cela fait quelques semaines qu’il n’y a presque plus de bombardements. Nous nous retrouvons au bureau le matin à 8 heures.
Les équipes partent ensuite dans les 8 hôpitaux et centres de rééducation où nous travaillons. C’est entre 20 minutes et une heure de route du bureau, selon le lieu. Ce sont des équipes de 2 à 8 personnes en fonction des besoins qui comprennent kinésithérapeutes et travailleurs psycho-sociaux… Elles y passent la journée et reviennent à 15 heures.
Elles mènent des séances de rééducation avec les blessées et des sessions de soutien psychologique. Elles accompagnent également les kinésithérapeutes de ces structures de santé et forment infirmières et médecins à la rééducation, en les formant aux bons gestes médicaux, et à l’utilisation du matériel…
Le travail est vraiment rythmé par des vagues de blessés quand il y a des combats et des violences. Nous pouvons nous retrouver face à un afflux important et soudain de patients… De plus, à Sana’a, nous nous trouvons dans une zone montagneuse traversée de déserts médicaux. Les gens peuvent venir de très loin pour recevoir des soins. L’absence de services (médicaux, sociaux, etc.) touchent de nombreuses zones au Yémen…