Le Traité d'Ottawa est d'une importance cruciale pour renforcer la détermination du Canada et protéger la vie des civils
La menace imminente de la Russie a conduit cinq membres d'Europe de l'Est à annoncer leur retrait de la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel au cours des derniers mois, marquant ainsi la première fois qu'un pays quitte cet accord et suscitant des inquiétudes quant à son avenir.
Lloyd Axworthy signe son livre lors d'un événement organisé par HI Canada. | © A.Eggerstorfer / HI
HI Canada appelle le Premier ministre à prendre l'initiative et à réaffirmer son rôle de gardien des normes mondiales qui protègent les personnes les plus vulnérables
Une lettre ouverte de Louise Arbour, ancienne Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits humains et ancienne juge à la Cour suprême du Canada, et de Lloyd Axworthy, ancien ministre des Affaires étrangères et président du Conseil des gouverneurs de Humanité & Inclusion Canada.
Le Traité d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel, conclu en 1997, témoigne de manière historique du leadership du Canada sur la scène internationale. En interdisant l'utilisation, la production et le transfert des mines antipersonnel, le Traité a considérablement réduit la menace mondiale que représentent ces armes. Entre 1999 et 2013, le nombre de personnes victimes a diminué de 85 %, ce qui a permis de sauver près de 20 000 vies chaque année. De plus, de vastes zones ont été déminées, plus de 50 millions de mines stockées ont été détruites et un nombre croissant de personnes ont reçu une aide vitale.
Le 4 avril marque la Journée internationale de l'action contre les mines, qui reconnaît les progrès considérables accomplis grâce aux efforts du Canada et d'organisations telles que Humanité et Inclusion Canada, qui travaillent sans relâche pour la remise en état des terres et l'aide aux personnes touchées.
À propos de Humanité & Inclusion Canada et de la contribution de Lloyd Axworthy
Humanité & Inclusion a travaillé en étroite collaboration avec l'honorable Axworthy lors du lancement, en 1992, de la campagne internationale novatrice pour l'interdiction des mines antipersonnel, ainsi que dans le cadre du processus de négociation qui a abouti à la signature, il y a 27 ans, du Traité d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel.
Grâce à cet héritage politique et à l'action de HI, le Canada continue de se positionner sur la scène internationale comme un ardent défenseur de la protection des civils dans les conflits armés, que ce soit à travers la Convention sur les armes à sous-munitions (Convention d'Oslo) ou la Déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires des armes explosives dans les zones peuplées (EWIPA).
Pourtant, 25 ans plus tard, le droit international et les conventions qui garantissent la protection des civils en situation de conflit sont de plus en plus méprisés.
Nous appelons le Canada à montrer une fois de plus la voix et à réaffirmer son rôle de rassembleur et de gardien des normes mondiales qui protègent les personnes les plus vulnérables.
La résurgence de l'utilisation des mines antipersonnel et la perspective autrefois inimaginable que des États parties se retirent du Traité exigent une action urgente.
Les mines antipersonnel sont des instruments de terreur qui ne connaissent ni cessez-le-feu ni accord de paix. Ces armes, encore présentes dans 58 pays, ne visent pas les combattants ennemis : 85 % des personnes victimes sont des civiles, dont une proportion disproportionnée d'enfants, et trop nombreuses sont celles qui subissent des blessures entraînant des amputations et des handicaps permanents. Ces armes détruisent en outre les moyens de subsistance, empêchant les communautés de cultiver les terres agricoles contaminées et d'accéder aux infrastructures sanitaires et éducatives.
Une crise croissante des personnes victimes des mines antipersonnel
Après des années de baisse constante, le nombre de personnes victimes a recommencé à augmenter, et cette tendance s'accélère en conséquence directe de l'invasion illégale et à grande échelle de l'Ukraine par la Russie. Le dernier rapport du Landmine Monitor révèle une augmentation choquante de 22 % du nombre de victimes blessées ou tuées en seulement un an, 37 % d'entre elles étant des enfants.
La menace imminente que représente la Russie a conduit cinq membres d'Europe de l'Est à annoncer leur retrait du Traité d'interdiction des mines au cours du mois dernier seulement, marquant ainsi la première fois qu'un pays quitte l'accord et suscitant des inquiétudes quant à l'avenir du traité. Comme des dominos, la Pologne, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie et maintenant la Finlande ont exprimé leur intention d'utiliser des mines antipersonnel sur leur territoire, mettant ainsi en danger la vie de leurs citoyens pour les décennies à venir. N'est-ce pas une nouvelle victoire pour la Russie et les autres pays qui cherchent à affaiblir les normes humanitaires mondiales ?
Les réactions des autres États parties ont été au mieux timides, au pire inexistantes. Or, c'est précisément en période de conflit que le droit international humanitaire doit être respecté.
En tant que citoyennes et citoyens concernés, nous demandons au Canada de renouveler son engagement dans la lutte mondiale contre les mines antipersonnel. Nous sommes une nation aux principes solides, qui croit en la valeur de la solidarité internationale et en la collaboration avec nos voisins et alliés, et non contre eux.
Le Canada doit utiliser son pouvoir d'influence en tant que rassembleur mondial pour préserver le soutien international au Traité d'Ottawa, un outil efficace et essentiel pour la protection des populations civiles. Les personnes les plus vulnérables dans le monde ont plus que jamais besoin de notre leadership.
Les signataires :
Alistair Edgar, président de la Fondation des mines terrestres du Canada
Allan Rock, ex-ambassadeur du Canada aux Nations unies, ancien ministre de la Justice et procureur général du Canada
Anne Delorme, directrice générale de Humanité & Inclusion Canada
Christian Paradis, ex-ministre du Développement international
Christine St-Pierre, journaliste et ex-ministre des Relations internationales et de la Francophonie du Québec
Erin Hunt, directrice générale de Mines Action Canada
François Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaires (OCCAH)
Général Roméo Dallaire, commandant de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR) et ex-sénateur
Jean-François Lépine, journaliste et ex-représentant du Québec en Chine
Jocelyn Coulon, ancien directeur du Centre Pearson pour la paix
Kyle Matthew, directeur général du Centre montréalais pour la sécurité globale
Lloyd Axworthy, ancien ministre des Affaires étrangères
Louis de Lorimier, journaliste et ex-ambassadeur du Canada au Liban, en Belgique et au Mali
Louise Arbour, ancienne Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits humains et ancienne juge à la Cour suprême du Canada
Marc Garneau, astronaute et ex-ministre des Affaires étrangères du Canada
Raymond Chrétien, ex-ambassadeur du Canada en France, aux États-Unis, en Belgique, au Mexique et au Congo
Rosemary McCarney, ex-ambassadrice du Canada aux Nations Unies